Maître Corinne Giudicelli-Jahn
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Maître Corinne Giudicelli-Jahn
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Le droit de la filiation


Le droit de la filiation : fiches pratiques et questions/réponses

Un constat

La pratique du droit de la famille en tant qu’avocat  pousse à faire le constat d’un phénomène frappant et en perpétuel accroissement, celui de la recherche de paternité et, plus largement, de l’établissement de filiation.

De nombreuses associations se mobilisent autour de ces thématiques, comme la toute jeune association loi de 1901 Le droit de te connaître. Ces structures issues de la société civile se veulent un relai et un soutien pour les enfants et les parents impliqués dans une démarche de filiation.

Des causes multiples

Ce phénomène est dû, pour partie, à l’évolution et à la place qu’occupe la cellule familiale au sein des sociétés occidentales modernes, où le mariage est de moins en moins une institution référence et où, en parallèle,  les couples se font et se défont de plus en plus rapidement.

Rechercher et vouloir faire reconnaître, aux yeux de tous, celui qui est ou celui qui s’est comporté comme son parent,  semble répondre au besoin de plus en plus prégnant de revendiquer une identité, de retrouver une estime de soi, jalons nécessaires à poser pour se construire et s’affirmer comme adulte.

Des évolutions législatives

La législation française suit, avec plus ou moins de ponctualité, l’évolution des mœurs sociales françaises et a fini par gommer les différences qui persistaient entre enfant naturel et enfant légitime et, bien souvent, favoriser la vérité sociologique par rapport à la vérité biologique.

La dernière réforme en matière de filiation a été portée par la loi du 16 janvier 2009, ratifiant l’ordonnance du 4 juillet 2005. Cette ordonnance a réorganisé le droit de la filiation pour lui donner cohérence, concision et lisibilité en harmonisant les conditions d’établissement de la filiation.

La filiation maternelle

Elle est désormais établie par la désignation de la mère dans l’acte de naissance de l’enfant, sans démarche nécessaire de reconnaissance de l’enfant pour les femmes non mariées.

La filiation paternelle

La présomption de paternité a été conservée et permet d’établir de manière automatique la filiation à l’égard du père/mari de la mère.

Les pères non mariés sont les seuls pour lesquels la démarche de la reconnaissance de leur enfant demeure nécessaie.

La possession d’état

La possession d’état ou  la prise en compte de la réalité affective et sociale révélant la filiation a été redéfinie et est désormais mieux encadrée concernant les conditions dans lesquelles elle produit effet.

Le régime des actions judiciaires relatives à la filiation

La prescription est désormais de 10 ans, et remplace la prescription trentenaire. Il est donc possible d’établir en justice la maternité ou la paternité dans les 10 ans suivant la naissance de l’enfant.

Par ailleurs, l’action reste ouverte à l’enfant pendant les 10 ans qui suivent sa majorité.

Des questions et des réponses ciblées

Les fiches pratiques sous forme de questions réponse proposées sur cette page visent à donner une cartographie accessible et complète des actions envisageables en matière de filiation et permettront d’apporter des premières réponses aux nombreuses questions qui peuvent se poser dans ce contentieux.

Des actions relatives à la filiation : approche générale

Quelles sont les actions envisageables en matière de filiation ?

Il existe trois types d’action en matière de filiation :

Les actions en établissement de filiation

C’est l’un des 4 modes d’établissement de la filiation qui est dit établissement de la filiation par jugement. En effet, la filiation peut être établie de quatre manières différentes :

Ø soit par l’effet de la loi,

Ø soit volontairement : par la possession d’état ou par la reconnaissance,

Ø soit par jugement.

Les actions en établissement de la filiation, c’est-à-dire l’établissement de la filiation par jugement sont au nombre de 4 :

Ø L’action en recherche de maternité

Ø L’action en recherche de paternité

Ø L’action en constatation de la possession d’état

Ø L’action en rétablissement de la présomption de paternité

Les actions en contestation de filiation

Les actions en contestation de la filiation sont au nombre de 3 :

Ø Les actions en contestation de maternité et de paternité

Ø L’action en contestation de la possession d’état

L’action à fin de subsides

C’est l’action qui permet à l’enfant, qui n’a pas de filiation paternelle établie, de demander à un homme qu’il pense être son père biologique de participer financièrement à son entretien.

Quel tribunal dois-je saisir pour les actions relatives à la filiation ?

Il faut saisir le Tribunal de Grande Instance (TGI), statuant en matière civil, qui jouit d’une compétence exclusive en la matière (article 318-1 du Code de Civil).

Il existe, en principe, un TGI dans chaque chef-lieu de département.

Plus précisément, il s’agit de saisir le TGI du domicile du défendeur, en l’espèce, la personne à l’égard de laquelle on souhaite établir/contester sa filiation (article 42 du Code de Procédure Civile).

Pour l’action à fin de subsides, la règle est la même. En effet, il convient de saisir le tribunal du créancier d’aliments, c’est-à-dire, celui à qui l’on demande de participer à l’entretien de l’enfant (article….).

Dans quel délai puis-je agir en matière de filiation ?

Depuis le 18 janvier 2009 (date de publication de la loi du 16 janvier 2009 au Journal Officiel), la prescription des actions en matière de filiation a été portée à 10 ans au lieu de 30 ans (article 321 du Code Civil). C’est dire que :

  • L’action peut être intentée dans les 10 ans à compter de la naissance de l’enfant si celle-ci est formée par le représentant légal de l’enfant ;
  • Pour l’enfant lui-même, la prescription est interrompue pendant sa minorité. Le délai commence à courir à partir de ses 18 ans. Il peut donc agir jusqu’à ses 28 ans révolus.

Qui peut-agir en matière d’actions relatives à la filiation ?

Les actions ne peuvent être en principe exercées que par l’intéressé. Néanmoins, pendant sa minorité, elles pourront être exercées par le représentant légal de l’intéressé.

Une exception tout de même : en vertu de l’article 322 du Code Civil, l’action peut être intentée par les héritiers d’une personne décédée, avant l’expiration du délai imparti à la personne décédée (soit 10 ans).

Quand est-il impossible d’établir sa filiation ?

Il existe plusieurs hypothèses où aucune action relative à la filiation n’est envisageable :

  • Si l’enfant n’est pas né viable, c’est-à-dire que l’enfant n’a pas atteint un seuil de 500g ou n’a pas été expulsé du ventre de sa mère après 22 semaines d’aménorrhée (article 318 du Code Civil), il est pas possible d’établir de filiation à son égard ;
  • Si la filiation a déjà été établie à l’égard d’un enfant. Dans cette hypothèse, il faudra d’abord contester la filiation préalablement établie avant d’essayer d’en établir une autre (article 320 du Code Civil) ;
  • S’il s’agit de la filiation à l’égard d’un tiers donneur à une procréation médicalement assistée (PMA), la filiation ne peut être établie ;
  • Si le délai d’action imparti a expiré. Le délai est dit forclos, on ne peut plus agir.

Comment prouve-t-on la filiation ?

En la matière, la preuve reine est, sans nul doute, la preuve par l’expertise génétique prévue à l’article 16-11 du Code Civil.

En matière de filiation, l’expertise génétique est DE DROIT (cour de cassation et CEDH). C’est-à-dire que si elle est demandée au juge, il ne peut le refuser sauf motif légitime (action prescrite ou irrecevable par exemple).

Si le défendeur refuse l’expertise génétique, le juge peut en tirer toutes les conséquences juridiques utiles. Par exemple, considérer ce refus comme indice de filiation potentielle.

Attention, l’expertise post mortem n’est possible depuis 2004, que si la personne à exhumer à donner son accord à l’expertise de son vivant.

Qui doit rapporter la preuve de la filiation ?

De manière classique, la preuve pèse sur le demandeur à l’action, c’est-à-dire, celui qui veut établir sa filiation ou celui qui veut contester sa filiation.

En quoi consiste l’action à fin de subsides ? Quel délai et quel budget prévoir ?

Une femme qui prouve avoir eu des relations de manière exclusive avec un homme dans la période de conception de son enfant, sans que soit néanmoins établie la filiation de l’enfant par rapport à cet homme, peut solliciter une contribution à l’entretien et à l’éducation de cet enfant mineur ou étudiant au-delà de la majorité de l’enfant.

L’enfant, après sa majorité, peut engager directement cette action dans la mesure où il n’est toujours pas financièrement autonome.

L’action aux fins de subsides ne nécessite pas obligatoirement de faire intervenir un avocat (même si cela est fortement conseillé).

Il convient de déposer une requête devant le Juge aux Affaires Familiales (JAF) du Tribunal de Grande Instance (TGI) du lieu où réside le père de l’enfant.

De telles procédures durent environ 3 mois (sauf renvoi, enquêtes ou autres).

Les honoraires d’avocat sont libres mais un montant de 1.000€ HT/1.500€ TTC paraît raisonnable pour ce type de procédures.

Modes d’établissement de la filiation

Qu’est-ce que l’établissement de la filiation par l’effet de la loi ?

La filiation établie par l’effet de la loi correspond à deux principes établis dans la Code Civil.

  • Pour la filiation maternelle, l’acte de naissance de l’enfant établit automatiquement le lien de filiation entre l’enfant et sa mère, que l’enfant soit né dans ou hors mariage (article 311-25 du Code Civil). L’acte de naissance est celui dressé par l’officier d’Etat civil lors de la déclaration de la naissance de l’enfant.
  • Pour la filiation paternelle, il existe le principe dit de présomption de paternité établi à l’article 312 du Code Civil. Ainsi, on présumé que l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari de la mère de l’enfant. Cette présomption peut néanmoins être renversée par la preuve contraire et se trouve exclus dans certains cas.

Quels sont les modes d’établissement volontaires de la filiation ?

Il y a deux possibilités pour établir volontairement sa filiation :

  • La reconnaissance : c’est la principale voie si l’enfant naît hors mariage. La reconnaissance peut prendre soit la forme d’un acte reçu par l’officier d’Etat Civil, soit par tout acte authentique (devant notaire). Elle peut se faire avant comme après la naissance de l’enfant. La mention sera alors portée en marge de l’acte de naissance de l’enfant.
  • La possession d’état : le Code Civil la définit comme la «réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir ».  Elle permet de prendre en compte un lien affectif, qui prime alors sur la réalité biologique.

La possession d’état est établit par un faisceau d’indices basés sur le tractatus, le traitement c’est-à-dire le fait de se comporter comme un parent envers l’enfant; la fama, la réputation, aspect social de la possession d’état  établie sur la croyance de l’entourage que l’intéressé est le parent de l’enfant; le nomen, le nom, aujourd’hui fruit d’un choix parental.

Pour être retenue, elle devra être continue, paisible, publique et non équivoque.

La possession d’état sera établie soit par acte de notoriété ou par une action en constatation de la possession d’état devant le juge

Quels sont les actions aux fins d’établissement de la filiation ?

Il existe quatre actions permettant d’établir la filiation par jugement :

  • L’action en recherche de maternité
  • L’action en recherche de paternité
  • L’action en constatation de la possession d’état
  • L’action en rétablissement de la présomption de paternité.

Combien de temps prennent de telles actions ? Quels sont les frais à engager ?

Ces actions sont jugées par le Tribunal de Grande Instance (TGI) du domicile du défendeur.

Elles suivent un circuit long avec l’établissement d’un calendrier de procédure.

La présence du Procureur de la République, qui doit donner son avis sur de telles actions, a tendance à allonger les délais.

Dans le cas où une expertise biologique est ordonnée, il y a lieu à un jugement avant dire droit, puis à un 2ème jugement rendu après expertise. Dans ce cas, le temps de la procédure peut excéder deux années.

Aux honoraires d’avocats, qui sont en général d’environ 2.000 à 3.000 € minimum, s’ajoutent les frais d’expertise et d’actes d’huissier.

Un jugement qui établit la filiation précise-t-il aussi la contribution à verser à l’enfant ?

En effet, il est possible de solliciter une contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant dans le cadre de la procédure tendant à établir sa filiation.

Le tribunal peut ordonner le versement d’une contribution due rétroactivement depuis la naissance de l’enfant


Pour plus d’informations, n’hésitez pas à contacter notre cabinet ou à consulter notre rubrique sur le droit de la famille.

Vous pouvez également consulter le site internet du gouvernement pour connaître vos droits.


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