Maître Corinne Giudicelli-Jahn
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Maître Corinne Giudicelli-Jahn
Avocat au Barreau de Paris

Titre de séjour pour soins pour étranger malade


(art. L.313-11-11º du CESEDA)

Le contexte et les chiffres

En 2020, en France, 25 987 demandes de titre de séjour pour soins ont été enregistrées soit 11,6% de moins par rapport à 2019 (et 40,9% par rapport à 2017) du fait de la limitation des déplacements internationaux liée à la pandémie et aux difficultés d’obtenir un rendez-vous à la préfecture. 

Les principales nationalités restent les mêmes que les années précédentes avec en première place les ressortissants algériens (10,4% des demandes soit 2 712 demandes en 2020 contre 3 449 en 2019), puis ceux de la Côte d’Ivoire passés devant ceux de la République Démocratique du Congo viennent ensuite les camerounais, les guinéens, les maliens et les georgiens.

Les pathologies des requérants sont pour près d’un tiers  des maladies infectieuses (VIH, hépatite B et C). On trouve ensuite les maladies chroniques (problèmes cardio-vasculaires, diabètes de type 2) puis viennent les troubles liés à la santé mentale qui continuent de baisser depuis 2017.

Le taux d’avis favorables des préfectures continue d’augmenter depuis 2017. Il est de 64,4% en 2020. Cette augmentation s’explique par le nombre croissant de pathologies infectieuses (VIH, hépatites) et par les changements de modes de vie (diabète de type 2).

Il s’explique également par l’inaccessibilité financière, dans les pays des demandeurs, de thérapeutiques innovantes telles que les anticorps monoclonaux comme le Bulevirtide contre certains types d’hépatite ou l’Eculizumab pour des neuromyélites optiques ou des antidiabétiques de dernière génération. 

Depuis la loi du 7 mars 2016, c’est OFII (office français de l’immigration et de l’intégration) qui est chargé de la procédure d’admission au séjour pour soins (art. L 425-9 du CESEDA).  Un Collège à compétence nationale, composé de 3  médecins de l’OFII, alors qu’antérieurement à cette la loi les médecins étaient membres du ministère de la santé,  rend un avis au vu d’un rapport médical établi par un médecin de l’OFII et des informations disponibles sur les traitements dans le pays d’origine. 

Plusieurs conditions sont nécessaires :

  • L’étranger doit résider habituellement en France https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Immigration/La-delivrance-des-titres-de-sejour-pour-raisons-de-sante
  • Son état de santé nécessite des soins dont l’absence aurait des conséquences d’une exceptionnelle gravité;
  • L’offre de soins ou le système de santé du pays du demandeur ne peut pas lui offrir les traitements nécessaires;

Pour ce dernier point, l’OFII consulte des bases de données internationales et nationales constamment mises à jour.

L’article 3 de l’arrêté du 5 janvier 2017 précise que « l’offre de soins s’apprécie notamment au regard de l’existence de structures, d’équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l’affection en cause. L’appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d’accéder effectivement à l’offre de soins et donc au traitement approprié ».

Selon les termes du  ministre de l’intérieur : « il s’agira d’examiner deux paramètres: premièrement, le traitement est-il possible dans le pays d’origine? 

deuxièmement, le système de soins de ce pays permet-il à ses ressortissants d’y accéder? » 

L’attribution du titre de séjour est prise par le préfet. Ce dernier n’est pas lié par l’avis médical de l’OFII.

La durée moyenne de traitement par l’OFII  entre la réception du certificat médical conforme et la transmission de l’avis du préfet est de 65 jours (données au premier trimestre 2020).

En pratique, pour vous le requérant :

Vous devez retirer à la préfecture un certificat médical vierge à faire remplir par votre médecin, une enveloppe « SECRET MÉDICAL » avec l’adresse du service médical de l’OFII et un document à signer par vos soins pour permettre à l’OFII de communiquer directement avec le médecin traitant.

Depuis le 1er mars 2019, le certificat médical doit être envoyé à l’OFII dans un délai d’un mois. Pour examiner votre dossier médical, le médecin de l’OFII peut demander des informations complémentaires auprès du médecin qui a établi le certificat médical. Le médecin de l’OFII peut aussi vous convoquer pour des examens complémentaires si nécessaire. Ces compléments d’information, demandés par le médecin de l’OFII, doivent lui parvenir dans un délai de 15 jours à compter de la date de la demande. Si vous ne présentez pas ces éléments dans les délais, vous devez attester auprès du service médical de l’OFII avoir entrepris les démarches nécessaires. Si vous n’apportez pas les compléments demandés par le médecin de l’OFII, la préfecture peut en être informée et ne vous délivrera pas le récépissé. Le collège de médecins de l’OFII peut demander à vous entendre et à faire procéder à des examens complémentaires, en présence, le cas échéant, du médecin de votre choix et d’un interprète. Après délibération, le collège rend son avis au préfet du lieu de votre résidence. La décision concernant votre demande de titre de séjour est prise par le Préfet. Elle vous sera transmise par la Préfecture.

Nouveauté jurisprudentielle (arrêt du Conseil d’Etat 6ième et 5ième chambres réunies du 28/7/2022 nº441481

Levée du secret médical

Dans cette espèce, un ressortissant djiboutien avait sollicité un titre de séjour en qualité d’étranger malade qui lui avait été refusé par le Préfet du Rhône, l’enjoignant de quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Lyon ainsi que la Cour administrative de Lyon avaient rejeté son recours.

Le demandeur contestait l’avis du collège des médecins de l’OFII, requis préalablement à la décision du Préfet, et avait sollicité la transmission de l’entier dossier.  Le tribunal administratif de Lyon puis la Cour d’Appel s’étaient opposés à cette communication en mettant en avant le principe du secret médical. Or, le Conseil d’Etat dans l’arrêt précité a annulé l’ordonnance attaquée en estimant qu’il  » ressortait des pièces du dossier que le requérant avait levé le secret médical le concernant en faisant état des pathologies l’affectant, et qu’il avait formulé une demande auprès du juge d’appel tendant à ce que lui soit communiqué ce rapport médical ».

En conclusion

Les juristes ne sont pas des médecins mais ce type de dossiers peut être gagné devant les juridictions administratives en transmettant des éléments objectifs d’ordre médical aux magistrats. Ces éléments peuvent faire la différence. S’agissant de notre cabinet, notre équipe dispose de compétences pour analyser les pièces médicales.

Avocate au barreau de Paris


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