BLOCAGES ADMINISTRATIFS ET ABSENCE DE REPONSE : QUE FAIRE ?
L’accès au séjour pour les étrangers en France est aujourd’hui profondément marqué par la dématérialisation des démarches, centralisée sur le portail ANEF (Administration numérique pour les étrangers en France). Si cette réforme avait pour objectif de simplifier et fluidifier les procédures, elle a, en pratique, contribué à accroître les obstacles à la régularisation, en raison de dysfonctionnements systémiques. De nombreux usagers sont confrontés à des refus implicites (absence de réponse dans les délais), voire à l’impossibilité de déposer leur demande en ligne, créant ainsi un contentieux croissant comme expliqué dans un précédent article (RENDEZ-VOUS DANS LES PRÉFECTURES POUR LES ÉTRANGERS : UN SYSTÈME QUI DYSFONCTIONNE).
Face à cela, plusieurs outils juridiques permettent d’agir pour débloquer les situations individuelles.
En effet, de nombreux usagers ne parviennent pas à déposer de demande ou restent sans réponse. Ce silence, au-delà de 4 mois, vaut refus implicite (article R. 432-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), ouvrant la voie à un recours devant le tribunal administratif.
Il est alors possible de :
Contester le refus sur le fondement d’une absence de motivation, d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’une violation du droit au respect de la vie privée et familiale (article 8 CEDH) ;
Demander au juge d’enjoindre la préfecture de délivrer un titre ou de réexaminer la demande dans un délai précis.
En ce sens, vous pouvez retrouver une décision favorable à nos demandes du Tribunal administratif de Paris du 3 juillet 2025 n°2318502, accordant la délivrance d’une carte de séjour à l'intéressé.
Le référé : une procédure d’urgence pour débloquer la situation
Lorsqu’un blocage administratif cause un préjudice grave et immédiat, le droit administratif offre deux procédures d’urgence particulièrement adaptées au contentieux des étrangers : le référé “mesures utiles” et le référé-liberté. Ces procédures permettent de saisir le juge administratif en urgence, sans attendre la décision sur le fond.
Le référé "mesures utiles" (article L. 521-3 CJA)
Ce référé permet de demander au juge d’ordonner à l’administration de prendre une mesure nécessaire lorsqu’aucune autre voie de droit n’est efficace dans les délais requis.
Il est notamment utilisé pour :
Contraindre la préfecture à enregistrer une demande de titre de séjour ou à permettre le dépôt d’un dossier sur l’ANEF ;
Exiger la remise d’un récépissé ou d’un document indispensable à la situation de l’étranger ;
Lever un blocage technique empêchant l’accès à la procédure.
Les conditions à remplir sont :
La mesure demandée doit être utile, c’est-à-dire qu’elle doit permettre d’éviter un préjudice immédiat et réel ;
Elle ne doit pas porter une atteinte grave à une autre partie ou à l’intérêt général ;
Le juge apprécie l’urgence, notamment au regard des conséquences pour la personne concernée (ex. : risque de perte d’emploi, rupture de droits sociaux, scolarisation d’un enfant).
En ce sens, vous pouvez retrouver une décision favorable à nos demandes du Tribunal administratif de Cergy du 8 juillet 2025 n°2509106. En l’espèce, l'intéressée a pu obtenir un rendez-vous de renouvellement de carte de séjour pluriannuelle.
Le référé-liberté (article L. 521-2 CJA)
Ce référé vise à faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il s’applique en cas d’urgence manifeste, lorsque le comportement de l’administration met en péril un droit fondamental.
Il est principalement utilisé pour :
Faire cesser une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale (article 8 CEDH) ;
Garantir le droit d’accès au service public, notamment quand l’usage exclusif de l’ANEF empêche tout dépôt de demande ;
Faire respecter le droit au maintien des droits sociaux liés au séjour.
Les conditions à remplir sont :
Une urgence caractérisée, le juge devant statuer sous 48 heures ;
Atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, ce qui suppose d’identifier précisément le droit violé (ex. : droit au recours, droit de vivre en famille etc…) ;
Le juge peut ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde de la liberté.
Le référé-liberté est ainsi une procédure exceptionnelle, à réserver aux cas où l’inertie de l’administration porte une atteinte flagrante à un droit fondamental.
L’intervention du Défenseur des droits : un levier souvent efficace
En cas de dysfonctionnements graves (absence d’accès à l’ANEF, refus arbitraires, rupture d’égalité de traitement), le Défenseur des droits peut être saisi. Il intervient régulièrement pour :
Faciliter l’accès à la procédure ;
Obtenir un traitement équitable du dossier ;
Adresser des recommandations formelles à l’administration.
En 2024, près de 20 000 saisines ont concerné le droit des étrangers. Une résolution partielle ou totale est obtenue dans près d’un dossier sur deux.
Ainsi, face à une administration parfois défaillante ou silencieuse,la régularisation administrative reste possible car le droit offre des outils de recours puissants, à condition d’être mobilisés dans les délais et que les conditions pré requises soient remplies.
A titre d’information, vous pourrez trouver sur notre site à la rubrique “décisions du cabinet” les dizaines de jugements ou d’arrêts positifs que nous aurons obtenus ces derniers mois en matière d’annulation de refus de titre de séjour ou de refus implicites.